S’il est facile de vérifier l’efficacité grâce aux spermogrammes de contrôle, étudier la réversibilité nécessite de suivre la trajectoire d’un grand nombre d’utilisateurs sur des durées de plus en plus longues en comparant cette population à un groupe témoin. Nous ne disposons actuellement pas d’un outil permettant de suivre correctement les trajectoires des utilisateurs. Et même si nous disposions de cet outil, le nombre d’utilisateurs qui permettraient d’obtenir des informations est très faible. Jusqu’en 2020, la méthode était très peu connue et il était difficile de se procurer des informations et des dispositifs. Le nombre d’utilisateurs dans le monde se comptait tout au plus en centaines, très probablement bien inférieure au demi-millier. La situation a ensuite commencé à évoluer lorsque l’anneau en silicone a été commercialisé à quelques milliers d’exemplaires par an. Néanmoins, une proportion non négligeable d’utilisateurs n’est pas satisfaite et cesse rapidement d’utiliser la méthode thermique. Une faible part se tourne vers le jockstrap. Ce dispositif est plus difficile à se procurer, mais il résout souvent les problèmes rencontrés avec un anneau en silicone. Ces éléments historiques permettent de comprendre que très rares sont ceux qui ont pratiqué la méthode sur des durées importantes, supérieures à 4 ans. Encore plus rares sont ceux qui ont arrêté depuis pour procréer. Un seul utilisateur est connu aujourd’hui pour avoir pratiqué la méthode pendant 7 ans. Il a retrouvé des paramètres spermatiques satisfaisants quelques mois plus tard. Puisqu’il s’agit d’un seul cas, on ne peut pas conclure qu’il en serait de même sur une population ou sur des durées plus importantes. De plus, le spermogramme n’est pas un examen suffisant : il faudrait aussi étudier la qualité du matériel génétique, et notamment le taux de fragmentation de l’ADN et la proportion d’aneuploïdie qui augmentent habituellement dès lors que les testicules sont exposés à la chaleur. Cet examen n’a pas été réalisé pour cet utilisateur et ne présenterait que peu d’intérêt. En effet, étant d’un âge avancé, supérieur à 60 ans, on peut s’attendre à ce que les résultats ne soient pas très bons. De plus, il serait impossible de déterminer si la cause en est sa pratique de la méthode, son âge, ou d’autres facteurs. Seule l’étude d’une population suffisante d’utilisateurs comparée à un groupe témoin permettrait d’obtenir des résultats solides. Mais les conclusions devront donc être tirées avec précaution. En effet, puisque la fertilité masculine est en baisse dans tous les pays industrialisés depuis plusieurs décennies, avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs, qui de plus n’ont pas toujours réalisé de spermogramme initial, on s’attend logiquement à voir apparaître progressivement quelques témoignages de problèmes de reprise de la spermatogenèse.
Jusqu’à présent, la méthode semble facilement réversible, mais ces résultats encourageants ne pourront être confirmés qu’au cours des prochaines années : un échantillon suffisant n’a commencé à se constituer progressivement qu’à partir de 2025 et le recueil de données fiables reste un exercice très délicat. Tous ces utilisateurs n’ont pas été suivis dès le début dans le cadre d’un essai clinique.
Il convient donc de rester prudent, en particulier pour les utilisateurs les plus jeunes. Ceux qui commencent à l’âge de vingt ans (pas avant pour ne pas risquer d’entraver le développement des testicules qui n’ont pas encore atteint leur pleine maturité) sont les plus susceptibles de pratiquer la méthode environ 10 ans avant de vouloir procréer. Comme nous ne disposons actuellement d’aucun retour d’expérience concernant la réversibilité sur de telles durées, ils ont tout intérêt à se renseigner chaque année sur l’évolution des retours d’expérience.
Le manque de certitude est-il acceptable ? Les questions concernant l’efficacité et l’innocuité se posent aux femmes pour chacune des méthodes qui leurs sont proposées. Les risques d’effets indésirables sont avérés, documentés, ce qui n’empêche ni les professionnel*s de santé de les prescrire, ni les femmes de les utiliser. Chaque rapport de pénétration péno-vaginal les expose au risque de devoir recourir à la contraception d’urgence, à un avortement, à une gestation, à un accouchement, à l’éventualité de devenir parent isolé. Pourquoi la contraception des hommes ne devrait comporter aucun risque ni aucune contrainte ? De plus, de nombreux facteurs nuisent à la fertilité masculine de manière très significative sans que cela pousse la plupart des hommes à modifier leurs comportements : consommation de tabac, d’alcool, de cannabis, stress, manque de sommeil, mauvaise alimentation, exposition à différentes substances chimiques dont les perturbateurs endocriniens…
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_sur_les_causes_d_infertilite.pdf
Pourquoi les résultats encourageants ne suffiraient-ils pas, pourquoi l’innocuité de la méthode devrait-elle être d’une garantie absolue, alors que les risques auxquels sont exposées les femmes, et les autres risques auxquels s’exposent les hommes, sont tant minimisés ? Mais le GARCON intervient dans une approche de réduction des risques et ne balaye donc pas les inquiétudes concernant la réversibilité de la méthode thermique d’un revers de main et présente ici les informations actuellement disponibles.
Une mauvaise proposition circule : arrêter la méthode après quatre ans, réaliser un spermogramme 6 à 12 mois plus tard (c’est le temps habituellement nécessaire pour que la spermatogenèse reprenne entièrement), et mettre de nouveau en place la méthode jusqu’à quatre années supplémentaires si les paramètres spermatiques sont normaux. On omet alors que la contrainte exercée sur les testicules a potentiellement un effet cumulatif. Pour le comprendre, un parallèle avec le tabagisme peut être utile. Il serait absurde de fumer deux paquets de cigarettes par jour pendant quatre ans, d’arrêter un an pour vérifier qu’aucun cancer ne s’est déclaré et que l’état de santé s’améliore, et d’en conclure que fumer de nouveau deux paquets de cigarettes par jour pendant quatre années supplémentaires ne présente aucun risque. Serions-nous surpris si cette personne déclarait un cancer après quelques décennies de tabagisme intense entrecoupées d’un an d’arrêt tous les quatre ans ?
Seul un suivi rigoureux d’un grand nombre d’utilisateurs sur des durées de plus en plus longues peut permettre de vérifier la réversibilité de la méthode. Puisque le nombre d’utilisateurs a commencé à augmenter progressivement en 2019, nous allons tout juste commencer à disposer d’un peu plus de retour d’expérience au fur et à mesure que ces utilisateurs vont vouloir procréer, à condition qu’ils fassent connaître les difficultés qu’ils rencontrent, et que ces témoignages soient correctement recueillis et diffusés. Le tissu associatif a sans doute un rôle majeur à jouer : il n’a pas d’intérêts commerciaux à défendre, et n’est pas soumis à autant de lourdeur administrative et réglementaire que les institutions médicales. Il subsiste néanmoins d’une part le risque du manque de moyens pour effectuer un travail sérieux, d’autre part celui de ne pas vouloir entraver le développement de la méthode par idéologie militante. Le GARCON questionne et ajuste sa propre pratique et ses prises de position en les confrontant à des points de vue différents, voire divergents. Il construit ses argumentaires sur les études scientifiques existantes en explicitant la manière dont elles sont utilisées, ainsi que sur les retours de terrain.
La fertilité masculine est en baisse continue depuis plusieurs décennies dans tous les pays industrialisés. Les raisons sont multiples. Il est donc probable que, parmi les utilisateurs de la méthode, certains d’entre eux connaîtront des problèmes de retour de la fertilité après avoir utilisé la méthode. D’une part, cela justifie l’importance de réaliser un spermogramme initial pour ne pas discréditer ensuite à tort la méthode. D’autre part, seule une étude comparative solide entre des groupes d’utilisateurs et de non utilisateurs de la méthode permettra à terme de savoir dans quelle mesure la pratique de cette méthode risque, ou pas, de nuire à la fertilité ultérieure.