8 mars 2023

Journée internationale des droits des femmes

Qui ose prétendre que les droits des femmes sont acquis, respectés, qu’elles n’ont plus aucun combat à mener ?

Garantir l’accès à l’IVG et à la stérilisation

Est-il nécessaire d’inscrire le droit à l’IVG dans la constitution et de quelle manière ? Certains prétendent qu’il n’est pas en danger alors même qu’il n’est toujours pas correctement appliqué (1). Les obstacles pour y accéder sont encore trop nombreux : quand les centres d’IVG ferment les uns après les autres, quand ils sont de plus en plus éloignés, plus ou moins saturés selon les territoires ou les périodes de l’année, quand il faut partir à l’étranger si les délais légaux sont dépassés, quand tant de professionnel*s de santé sont si peu sensibilisés aux enjeux que trop refusent encore de les pratiquer, quand ils font peser un sentiment de culpabilité sur celles qui y ont recours, quand toutes ces difficultés sont documentées depuis des années et toujours pas résolues, quand on sait comme ce droit est et sera encore longtemps attaqué par de puissants réseaux d’influence en France comme dans le reste du monde, il est nécessaire de prendre toutes les précautions possibles pour le protéger et le rendre effectif, partout et pour toujours, dans les meilleures conditions pour celles qui y ont recours. Comment des hommes, fussent-ils députés ou sénateurs, peuvent-ils prétendre décider ce que peuvent faire ou non les femmes de leur utérus ?

La situation est tout aussi problématique concernant la ligature des trompes, généralement plus difficile encore à obtenir que la vasectomie. Si depuis le 4 juillet 2001 la loi détermine les conditions nécessaires pour prétendre recourir à la stérilisation, elle n’en garantit aucunement l’accès même lorsque celles-ci sont remplies.

Garantir l’accès à la contraception pour toutes… et tous ! (2)

Est-il suffisant d’étendre la gratuité de certaines méthodes de contraception aux femmes de moins de 26 ans ? Non seulement, il est nécessaire que toutes les femmes puissent choisir parmi toutes les méthodes existantes, quel que soit leur âge et leurs revenus, libérées du poids d’une norme contraceptive française très médicalisée, infantilisante, mais aussi particulièrement genrée.

Il est donc tout aussi nécessaire d’inciter fortement les hommes à prendre en charge leur propre fertilité et qu’ils puissent le faire en disposant eux aussi d’un éventail de méthodes le plus large possible.

1908 en 2010 à 23 306 en 2021, le nombre de vasectomie pratiquées chaque année en France augmente de façon exponentielle : onze fois plus en onze ans, sans aucune politique menée en sa faveur et malgré les obstacles auxquels doivent faire face en particulier les hommes jeunes ou sans enfant, mais aussi tous ceux qui sont mal accompagnés par des professionnels de santé insuffisamment formés. Les témoignages d’hommes que leur médecin généraliste ont égaré voire dissuadé, ceux de sages-femmes qui ne savent pas comment aborder le sujet, ne sont malheureusement pas rares. Il est non seulement nécessaire de les former à accompagner, mais peut être aussi à pratiquer l’intervention car si la tendance actuelle se poursuit, les urologues pourraient être rapidement débordés. Il est sans doute également temps de reconsidérer le cadre légal de cette intervention. Pour faire face aux quelques cas dans lesquels un regret est exprimé, assurer gratuitement la conservation de gamètes pendant quelques années est une mesure plus pertinente qu’imposer un délai de réflexion de quatre mois. Mais la vasectomie restant une méthode à considérer comme définitive, il est important de rendre les méthodes réversibles plus accessibles.

La méthode thermique est de plus en plus pratiquée malgré son caractère expérimental. Il est essentiel de soutenir son développement sur tous les plans. Les utilisateurs doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement individualisé de qualité. Les cohortes et les différents dispositifs employés doivent être étudiés pour documenter d’éventuelles difficultés.

Les solutions médicamenteuses, difficiles à mettre en œuvre en autonomie, dorment dans les tiroirs depuis des décennies, d’une part par manque de rentabilité, d’autre part par facilité à imposer ces traitements aux femmes plutôt qu’à les proposer aux hommes. L’efficacité et les risques d’effets indésirables semblent pourtant selon les essais qui ont pu être menés tout à fait comparables.

Les préservatifs, qui permettent en outre de lutter contre la propagation des IST, doivent aussi devenir plus accessibles : étendre la gratuité sans prescription médicale à tous les âges, au plus large éventail de marques et de modèles – externes, dits masculins, mais aussi internes, dits féminins – favoriserait leur usage.

Ces méthodes devraient être envisagées en complément de celles utilisées par les femmes, et pas en substitut : aucune méthode n’est infaillible, et il est important que chaque personne puisse maîtriser sa fertilité sans dépendre de ses partenaires.

Transformer les institutions, bousculer les représentations, abolir les privilèges

Au-delà de l’IVG et de la contraception, la domination continue de s’exercer sous d’autres formes – les problèmes de violences gynécologiques et obstétricales sont mieux reconnus mais pas encore résolus – mais aussi dans d’autres sphères. La classe politique est elle aussi largement touchée par le fléau des violences sexistes et sexuelles. Elle minimise le sujet ou l’instrumentalise dans des luttes partisanes au lieu de mettre en place des réponses adaptées. Elle se soucie peu du manque de représentation des femmes en politique : la parité n’est toujours pas respectée à l’Assemblée Nationale comme au Sénat ou parmi les élus locaux (3), et elle est artificielle au gouvernement (4). Les institutions françaises, médicales ou politiques, sont encore natalistes, paternalistes et sexistes. Il est important d’admettre ce problème pour pouvoir le résoudre.

Et même si la France progresse dans la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, il est encore possible en 2023 qu’un enfant de treize ans harcelé au collège mette fin à ses jours (5). Il est encore possible que le maire de Toulouse (6, 7) cède aux esprits rétrogrades et interdise aux mineurs un atelier de lectures proposé par des drag queens alors qu’il est destiné aux jeunes enfants pour les ouvrir à la diversité. Il est encore possible pour perpétuer les représentations binaires, d’imposer une mention de genre à l’état civil, et pire encore, que des parents soient poussés par des professionnels de santé à accepter la mutilation de leur enfant pour lui assigner une identité sexuelle.

L’éducation, à tous les âges, devrait permettre de questionner l’importance de la pénétration dans nos sexualités, ses modalités. Beaucoup pensent encore qu’un homme devrait asseoir sa supériorité en pénétrant plutôt qu’en étant pénétré, en déversant son sperme fécondant, déléguant en grande partie à ses partenaires le devenir de sa semence. Les risques pour lui comme pour ses partenaires, ne devraient pas entraver l’expression de sa puissance. La brutalité, la domination, sont érotisées. Son plaisir est finalement sadique et celui de ses partenaires se doit d’être masochiste. Ces clichés continuent d’être largement véhiculés, pas seulement dans la pornographie. Le respect et la créativité pourraient révolutionner bien plus que nos sexualités : nos vies relationnelles et affectives méritent d’être réinventées.

Notre société entretient encore une multitude de privilèges dans le milieu professionnel, tant en matière d’accès aux postes que de rémunération.

Le travail domestique et le travail du soin reposent encore majoritairement sur les femmes et continue d’être gratuit, ou précaire et mal rémunéré.

Racisme, âgisme, classisme, validisme : lutter pour les droits des femmes et abolir les privilèges des hommes devraient nous inciter à combattre toutes les formes de domination, quel que soit le critère sur lequel elles s’appuient.

https://garcon.link/wp-content/uploads/2021/07/vingt_ans_loi_4_juillet_2001.pdf
https://garcon.link/contraception-dite-masculine-l-impuissance-publique-27-09-2022/
https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/la-part-des-femmes-parmi-les-elus-locaux
https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/parite/actualites/article/renouvellement-politique-la-parite-reelle-est-loin-d-etre-atteinte
https://www.huffingtonpost.fr/life/article/suicide-de-lucas-le-protocole-phare-est-il-vraiment-efficace-pour-lutter-contre-le-harcelement-scolaire_212970.html
https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/rainbow-index-la-france-au-5eme-rang-des-49-pays-europeens
https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/toulouse-un-atelier-de-lecture-pour-enfants-anime-par-des-drag-queens-pris-pour-cible-par-l-extreme-droite-2699906.html