Spermogrammes

De la théorie...

Un spermogramme donne des indications sur la composition d’un éjaculat. Cette analyse est très utile dans le cadre d’une contraception mais on doit avoir conscience des limites de cet examen pour ne pas tirer de conclusions abusives qui induiraient en erreur un utilisateur ou ses partenaires.

Valeurs de référence

Il est utile de pouvoir comparer les paramètres spermatiques à des valeurs de référence. Elles sont publiées par l‘Organisation Mondiale de la Santé.

Le tableau ci-dessous présente la distribution des paramètres spermatiques d’hommes en couple ayant déclenché une grossesse au cours d’une année de rapports sexuels ayant abouti à une conception sans assistance médicale.

Source : https://www.who.int/publications/i/item/9789240030787 – p213

5% d’entre eux y sont parvenus alors que le spermogramme réalisé montrait un volume d’éjaculat inférieur à 1,4mL, une concentration inférieure à 16Mspz/mL, un nombre total de spermatozoïdes dans l’éjaculat inférieur à 39Mspz, une mobilité progressive inférieure à 30%, et moins de 4% de formes normales.

Les valeurs médianes de ces paramètres (50% de la population de part et d’autre de la valeur indiquée)  correspondaient à un volume d’éjaculat de 3,0mL, une concentration de 66Mspz/mL, un nombre total de spermatozoïdes dans l’éjaculat inférieur 210Mspz, une mobilité progressive de 55%%, et 14% de formes normales.

Variabilité de la spermatogenèse

La spermatogenèse est un processus qui s’étend sur trois mois, influencé par de très nombreux paramètres qui peuvent être très difficiles à contrôler, mesurer, ou même évaluer. En l’absence de contraception, la quantité de spermatozoïdes dans un éjaculat varie énormément d’une semaine à l’autre. Le graphique suivant présente la concentration observée pour un homme qui a effectué des spermogrammes chaque semaine pendant plus de deux ans. La concentration s’effondre ou bondit d’un éjaculat à l’autre.

La concentration est exprimée en 106spz/mL et pas en 105spz/mL

Source : https://sjbm.fr/images/cahiers/2009-Bioforma-42-Exploration%20de%20la%20fonction%20de%20reproduction,%20versant%20masculin.pdf#page=43

Autre étude : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/j.1365-2605.1991.tb01071.x

Échantillonnage et temps de réponse

Les spermogrammes ne nous donnent des indications que sur les éjaculats qui ont été prélevés mais ce ne sont pas ceux-là qui risquent de déclencher une grossesse non prévue. Il est donc nécessaire de prendre un certain nombre de précautions avant de considérer sur la base de quelques spermogrammes que l’ensemble des éjaculats ne contiennent pas ou quasiment pas de spermatozoïdes motiles. Cet aspect est développé plus bas dans le paragraphe concernant la phase de contraception.

Dans le cadre d’une méthode de contraception visant à empêcher la présence de spermatozoïdes dans l’éjaculat, il existe un laps de temps entre la variation de la contrainte et la réponse sur l’effet contraceptif induit. De plus, cette réponse est très variable (intensité, durée et moment) et elle peut être influencée par de nombreux paramètres. Il est impossible de déterminer quels éjaculats risquent de contenir davantage de spermatozoïdes motiles si la pratique n’est pas régulière.

De trop rares spermogrammes mesurant une concentration inférieure à 1Mspz/mL ne suffisent pas garantir que cette concentration n’est jamais dépassée, alors même que cette critère ne suffit pas à garantir qu’aucune fécondation ne peut survenir.

Fiabilité des spermogrammes

Les spermogrammes sont habituellement réalisés dans le cadre d’un problème de fertilité. Le protocole utilisé est adapté aux spermogrammes initiaux, c’est-à-dire ceux réalisés avant d’exercer la contrainte permettant d’obtenir l’effet contraceptif. En revanche, les spermogrammes de contrôle ont pour objectif d’évaluer un effondrement suffisant de la spermatogenèse. Les concentrations résiduelles mesurées sont très faibles et le protocole doit être adapté.

Plusieurs causes peuvent fausser les valeurs indiquées par un spermogramme.

  • Si l* biologiste ne sait pas qu’il s’agit d’un spermogramme de contrôle, *l* peut rapidement conclure à un problème sévère d’infertilité sans chercher à déterminer suffisamment précisément la quantité de spermatozoïdes motiles résiduels. Même en disposant de cette information, la démarche à suivre dans cette situation n’est pas normalisée. Une erreur de méthodologie est donc possible pour cet examen inhabituel.
  • Le délai sans éjaculation qui a précédé la réalisation d’un spermogramme influence les résultats. Dans le cadre d’un contrôle de fertilité, il est spécifié qu’il doit être compris entre deux et sept jours. Dans une démarche de contraception, il est préférable de le fixer pour faciliter la comparaison des différents résultats. Un délai de trois jours semble être un bon compromis. Il laisse suffisamment de temps pour que les spermatozoïdes se concentrent, tout en limitant la contrainte pour l’utilisateur qui doit réaliser de nombreux spermogrammes.
  • La concentration des spermatozoïdes est le plus souvent comprise entre 15 et 200Mspz/mL pour un individu qui n’a pas de problème de fertilité. La méthode de procréation médicalement assistée proposée aux cas les plus sévères est l’ICSI. Elle est envisagée dès lors que la concentration des spermatozoïdes est inférieure à 3Mspz/mL. Dès lors, il n’est pas nécessaire de disposer de valeurs précises lorsqu’elles sont inférieures à 1Mspz/mL. Certains laboratoires sont équipés de systèmes automatisés conçus réaliser les spermogrammes mais ils sont conçus pour détecter des problèmes de fertilité. Ils ne sont pas adaptés pour évaluer la quantité résiduelle de spermatozoïdes dans une démarche de contraception.

 Bénéfices et contraintes

Aucune méthode de contraception n’est parfaite : puisqu’il est impossible d’obtenir une efficacité absolue pour une contrainte nulle, on cherche à établir un compromis acceptable. Ce compromis est lié à la notion de risque. Il appartient à chaque personne d’établir ce qui lui semble lui convenir le mieux.

Les spermogrammes permettent d’évaluer le risque de grossesse non désirée mais ne peuvent en aucun cas l’écarter totalement. Ils ont une utilité et des limites qui peuvent être comparés aux tests de dépistage en matière de prévention des IST (Infections Sexuellement Transmissibles).

... à la pratique

Phase préparatoire

La mise en place d’une méthode de contraception amène parfois à constater un problème de fertilité. Il est souhaitable d’aborder ce point avant la réalisation du spermogramme initial.

Si le premier spermogramme présente des valeurs très faibles, il est nécessaire de réaliser au moins un spermogramme supplémentaire avant de conclure à un problème de fertilité.

Si un second spermogramme semble le confirmer, des examens complémentaires sont nécessaires. Dans tous les cas, il convient de se rappeler que les problèmes de fertilité masculine sont de plus en plus courant et que de nombreuses solutions peuvent être proposées pour y remédier (l’ICSI ou le recours à un don de sperme dans les cas les plus sévères).

L’importante variabilité de la spermatogenèse montre que quelques spermogrammes ne permettent pas de conclure qu’un candidat présente une spermatogenèse plus forte ou plus faible que la population générale. Un spermogramme initial présentant des valeurs normales permet seulement de vérifier au préalable qu’il n’existe pas de problème de fertilité.

Pour vérifier la réversibilité d’une méthode, il pourrait être utile de réaliser plusieurs spermogrammes initiaux, mais la solution la plus intéressante consiste à recueillir des données sur un nombre important d’utilisateurs et de les comparer à un groupe témoin.

Phase d’inhibition

La spermatogenèse est un phénomène qui s’étend sur trois mois et la méthode thermique agit sur l’une des premières phases de ce processus. Seule une pratique régulière permet de considérer sur la base de quelques spermogrammes un effondrement stable de la spermatogenèse.

Trois mois après le début de la phase d’inhibition, un premier spermogramme permet d’évaluer l’effet contraceptif, mais même si la méthode semble efficace, seul un deuxième spermogramme réalisé idéalement un mois plus tard et confirmant l’effondrement de la spermatogenèse peut permettre d’envisager d’utiliser cette seule méthode de contraception à condition que les deux partenaires en aient correctement mesuré les enjeux.  La phase d’inhibition dure donc au minimum 4 mois.

[ enjeux : Il est difficile de ne jamais faire d’écart au protocole, et même appliquée correctement, aucune méthode n’est infaillible. Plusieurs méthodes contraceptives combinées diminuent davantage le risque de grossesse non prévue. La contraception dite masculine n’a pas vocation à se substituer à la contraception des femmes, elle la complète. On doit distinguer le partage de la charge contraceptive de son transfert. Chaque personne ayant des rapports potentiellement fécondants risque de devoir en assumer les conséquences. S’en remettre uniquement à la méthode utilisée par les partenaires est un choix possible, entendable, mais qui présente des risques qu’on ne doit pas sous-évaluer.]

Si l’un des deux premiers spermogrammes de contrôle montre que la spermatogenèse n’est pas correctement effondrée alors que le protocole est respecté (15h/ 24h en privilégiant les heures d’éveil), on doit envisager d’améliorer le maintien testiculaire en travaillant sur le dispositif plutôt que d’augmenter la durée quotidienne de remontée testiculaire. Deux risques sont en effet à considérer. D’une part ce protocole davantage contraignant exposerait à davantage d’écarts et donc à une éventuelle grossesse non prévue. D’autre part, on augmente le risque de voir apparaître des effets indésirables.

La phase d’inhibition doit être prolongée jusqu’à obtenir, dans le cadre d’une pratique stabilisée (dispositif utilisé et modalités de la remontée testiculaire quotidienne) deux spermogrammes consécutifs à un mois d’intervalle montrant l’effondrement de la spermatogenèse.

Augmenter volontairement la durée quotidienne de remontée testiculaire pour effondrer plus rapidement la spermatogenèse  est un mauvais choix. En effet, en diminuant ensuite cette durée quotidienne pour revenir aux 15h préconisées, on risque de ne plus obtenir un effet contraceptif aussi important. Il convient donc de vérifier les premiers mois qu’une durée quotidienne de 15h, ni plus, ni moins, permet d’effondrer correctement la spermatogenèse.

Phase contraceptive

L’exposition des testicules à la chaleur augmente le risque de fausse couche spontanée, et aussi d’aneuploïdie du fœtus, c’est-à-dire possédant plus ou moins de 46 chromosomes par cellule. Si la méthode thermique est utilisée, elle doit l’être avec rigueur. Néanmoins, aucune méthode contraceptive n’est infaillible. Si une grossesse survient malgré tout, elle peut être poursuivie. Il convient simplement de la surveiller davantage. Il est utile de mentionner que même lorsque la méthode thermique n’a pas été utilisée, toute exposition des testicules à la chaleur (fièvre, sauna…) dans les semaines ou mois qui ont précédé la fécondation expose à des risques similaires.

Le protocole de la méthode thermique prévoit un spermogramme de contrôle tous les trois mois au début puis tous les six mois. Ce point mérite d’être discuté : cette fréquence doit être ajustée à chaque situation. De la même manière que la fréquence de dépistage d’IST (Infections sexuellement transmissibles) doit être adapté à l’exposition à des risques et à leur niveau d’acceptation, la fréquence des spermogrammes dépend non seulement des résultats obtenus, mais aussi du niveau de risque auquel l’utilisateur et ses partenaires acceptent de s’exposer.

Seule la régularité de la pratique permet d’espérer que la composition des éjaculats soit suffisamment stable. Dans le cas contraire, il est impossible de savoir quand et combien de spermatozoïdes risquent d’être contenus dans les éjaculats. Les spermogrammes nous renseignent sur la composition des éjaculats qui ont été prélevés, mais ce sont ceux déversés dans le vagin de la partenaire qui sont déterminants pour éviter une grossesse non prévue.

Si l’azoospermie (absence totale de spermatozoïdes) est constatée sur plusieurs spermogrammes, si la durée de remontée testiculaire quotidienne ne diminue pas, si les dispositifs utilisés ne changent pas, on peut sereinement envisager d’espacer la fréquence des spermogrammes.

Dans tous les autres cas, il est nécessaire de réfléchir à la fréquence des spermogrammes de contrôle.

Il est préférable de les réaliser chaque mois pendant quatre mois si :

  • la durée quotidienne de remontée testiculaire diminue,
  • le dispositif de remontée testiculaire est modifié,
  • des facteurs favorisant une reprise de la spermatogenèse varient : diminution du tabagisme, de l’alcool, de l’usage du cannabis ou de la cocaïne, du stress, de l’exposition à une source extérieure de chaleur (exposition professionnelle, sauna…), à des perturbateurs endocriniens, à la lumière bleue des écrans, meilleur sommeil, alimentation de meilleure qualité, augmentation de l’exercice physique, perte de poids importante, arrêt de certains traitements médicamenteux…
  • l’utilisateur expérimente un autre protocole que celui qui est recommandé (15h/24h en privilégiant les heures d’éveil)

Un spermogramme tous les trois mois est souhaitable si :

  • le nombre de spermatozoïdes motiles résiduels n’est pas particulièrement bas (concentration résiduelle comprise entre 0,1 et 1Mspz/mL, volume éjaculatoire important, proportion importante de spermatozoïdes motiles),
  • l’utilisateur a de légères difficultés à maintenir la durée quotidienne de remontée testiculaire),
  • la survenue d’une grossesse non prévue serait particulièrement problématique sur le plan physiologique ou psychologique,
Il est moins risqué d’espacer davantage les spermogrammes si :
  • la pratique est stable,
  • une méthode de contraception complémentaire est utilisée,
  • les partenaires ont la certitude de recourir à une IVG en cas de grossesse non prévue, connaissent bien les difficultés qui peuvent être rencontrées dans ce parcours, et savent comment y faire face.

Phase d’arrêt

Même lorsqu’une grossesse est souhaitée, l’arrêt de la méthode thermique nécessite quelques précautions. La quantité de spermatozoïdes produits augmente rapidement et peut aboutir à une fécondation, alors que les premiers sont de mauvaise qualité. Comme indiqué précédemment, le risque de fausse couche et d’aneuploïdie est augmenté. Il est ainsi recommandé d’utiliser une autre méthode contraceptive efficace dès le premier jour d’arrêt de la méthode et pour au moins six mois. Si malgré cela une grossesse intervient dans ce laps de temps, il n’est pas nécessaire de l’interrompre : elle doit simplement être davantage surveillée.

Cette indication mérite d’être mise en perspective avec la situation habituelle. Si la contraception peut être mieux partagée, les précautions prises lors d’un projet de procréation peuvent l’être également. Beaucoup de recommandations souvent contraignantes sont faites aux femmes qui sont enceintes ou qui souhaitent l’être. Des recommandations similaires peuvent être faites à leur partenaire pour diminuer les risques de fausse couche et ceux concernant la santé de l’enfant à venir. Il est préférable que le géniteur améliore son hygiène de vie au moins pendant les six mois qui précèdent la fécondation : éviter la consommation de tabac, d’alcool, d’autres drogues, dormir et manger correctement, avoir une activité physique régulière, éviter la fatigue, le stress, l’exposition à la chaleur (exposition professionnelle, sauna…) ou à diverses substances chimiques, limiter les risques de fièvre (port d’un masque pendant les épidémies)…

Il peut sembler long, a priori, de laisser passer 6 mois après l’arrêt de la méthode avant d’envisager de procréer. Cependant, même chez un couple normalement fertile qui n’a jamais utilisé de méthode de contraception et qui s’efforce de procréer, la fécondation qui aboutit à une naissance prend généralement plusieurs mois. Il n’est pas rare de devoir attendre plus d’un an pour y parvenir. De plus, les méthodes contraceptives utilisées par les femmes peuvent diminuer leur fertilité dans les mois qui suivent l’arrêt de la méthode et allonger encore ce délai.

Si la quantité de spermatozoïdes est généralement amplement suffisante six mois après l’arrêt de la méthode pour déclencher une grossesse, le délai pour retrouver des paramètres spermatiques comparables à la situation initiale est plutôt de l’ordre de 9 à 12 mois. Puisque ceux-ci sont très variables, un seul spermogramme présentant des valeurs inférieures à celles d’un seul spermogramme initial ne permettent pas de conclure à une baisse de la fertilité induite par la méthode thermique.