Constitutionnalisation du droit à l'avortement :
engagement ou démagogie ?
Le droit à l’avortement doit être réaffirmé, garanti, étendu, même en France. D’un point de vue juridique, son inscription dans la constitution serait une avancée importante. Il est néanmoins légitime de s’interroger : le gouvernement s’engage-t-il réellement dans l’égalité entre les femmes et les hommes ou se contente-t-il de mesures démagogiques afin de redorer son image à peu de frais ? Organisations et associations féministes ont considéré que le gouvernement ne mérite pas les félicitations auxquelles il prétend en la matière. Elles ont intitulé leur rapport “Grande cause, petit bilan”.
Notre verdict est sans appel : le bilan est largement insuffisant.
Les actions menées, même si certaines sont à saluer, n’ont globalement pas été à la hauteur des enjeux – et encore moins en regard d’une présidence qui se voulait « féministe ».
La population française et l’assemblée nationale sont très majoritairement favorables à la constitutionnalisation du droit à l’avortement. Des décisions réellement ambitieuses, effectives, bien que plus coûteuses ne sont-elles pas nécessaires et urgentes ? Parmi la multiplicité des défis à relever, nous souhaitons attirer ici l’attention sur le développement de la contraception dite masculine, pour que les hommes prennent la responsabilité de maîtriser leur fertilité plutôt que de déléguer cette charge à leurs partenaires. La personne qui porte une grossesse doit pouvoir choisir librement de la poursuivre ou de l’interrompre. Il est néanmoins tout aussi essentiel que son partenaire dispose en amont de moyens suffisants pour choisir avec lucidité de participer à la fécondation ou de prendre les précautions nécessaires pour l’éviter. Les garçons ont besoin d’une éducation leur permettant de prendre eux aussi conscience de leur fertilité, de leur responsabilité vis-à-vis de leurs partenaires et de leur progéniture. Ils ont besoin d’un éventail suffisamment large de méthodes contraceptives leur permettant d’explorer eux aussi leur sexualité sans risquer de provoquer une grossesse non désirée.
En conséquence, ce qui suit doit être su, intégré et mis en œuvre, par les personnes susceptibles d’avoir des rapports potentiellement fécondants, par les professionnel*s de santé qui les accompagnent, et par les législateurices. Les méthodes contraceptives proposées aux femmes ne sont pas infaillibles, et peuvent présenter des effets indésirables et des risques qui ne doivent pas être négligés. La méthode du retrait manque de fiabilité. Le préservatif est efficace immédiatement à condition d’être utilisé correctement et permet aussi de lutter contre les infections sexuellement transmissibles. Il est possible de s’épanouir sexuellement sans pratiquer la pénétration pénovaginale, avec un* ou plusieurs partenaires, régulier*s ou pas, quels que soient leur sexe ou leur genre. Chaque personne est totalement libre d’explorer sa sexualité, de souhaiter ou de refuser toute pratique, à la seule condition du libre consentement de ses partenaires de l’instant. Elle doit pouvoir le faire sans risquer de procréer si tel est son souhait. Elle doit pouvoir accéder facilement à une information complète et neutre. Il lui appartient d’évaluer pour elle même le rapport bénéfices / risques lié à une pratique sexuelle ou à une méthode contraceptive et ses choix doivent être respectés. La méthode thermique qui inhibe la spermatogenèse, bien qu’expérimentale, est d’ores et déjà pratiquée et présente des résultats très encourageants. Son utilisation par les personnes qui le souhaitent est légitime. Les recherches doivent être poursuivies pour vérifier son efficacité et son innocuité. Plusieurs méthodes hormonales masculines pourraient déjà être disponibles si les investissements nécessaires avaient été réalisés. La vasectomie est une méthode sûre. Elle est pourtant rarement proposée et trop souvent difficilement accessible aux personnes qui souhaitent y recourir. Elle doit pourtant pouvoir être envisagée dès lors qu’un homme ne souhaite pas ou plus procréer, même s’il est jeune et sans enfant. Enfin, une société ne peut être égalitaire et respectueuse de la liberté de chaque individu que si elle y consacre suffisamment de moyens.
Les avancées sur ces différents aspects participent à notre évaluation de la réalité de l’engagement du gouvernement. Il s’est montré jusqu’à présent indifférent à nos sollicitations et très éloigné des évolutions sociétales pourtant très perceptibles. Nous rappelons que le développement de la contraception dite masculine est un outil mais aussi un prétexte pour prendre conscience de l’ensemble des comportements sexistes et dominateurs. Nous voulons y mettre un terme, bien au-delà de la sphère intime.