Section de canal – 26 septembre 2023 – compte-rendu

Le réseau se tisse

  • Trois urologues du CHU de Toulouse,
  • un autre venu du Québec – ce pays où 1/3 des hommes de plus de 45 ans ont eu recours qui a la vasectomie – qui a beaucoup à nous enseigner sur la diffusion de cette méthode,
  • des acteurs et actrices de la recherche universitaire interdisciplinaire toulousaine,
  • l’adjointe Santé de la maire de Toulouse et un conseiller municipal de l’opposition,
  • une médecin généraliste du SIMPPS, Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé,
  • des sages-femmes,
  • les très rares personnes impliquées dans GARCON…
Voilà quelques-unes des personnes qui ont pu se rencontrer lors de cet événement. Nous voulons mettre en commun nos compétence pour que le sujet avance.

État des lieux et perspectives

GARCON a rédigé ce texte pour présenter la situation :

Partage de la contraception

À quelques exceptions près, partout dans le monde, le travail contraceptif est très largement effectué par les femmes. En France, il repose à 80% sur elles. L’efficacité est souvent le critère le plus important lors du choix de la méthode. Influencées par les professionnel*s de santé, 2/3 des femmes de moins de 25 ans ont recours à la pilule. Pourtant, les risques d’oubli sont importants et expliquent au moins 1/4 des 220 000 IVG pratiquées chaque année : une femme sur trois y a recours au moins une fois dans sa vie. Pour que les hommes participent au travail contraceptif, seules deux méthodes réversibles sont proposées : le retrait et le préservatif. Si le manque d’efficacité du retrait est connue, celle du préservatif l’est moins. Elle s’explique par les risques de rupture, de glissement, et d’usage irrégulier. Son utilité est incontestable dans la prévention des IST, mais il ne suffit pas à répondre à la demande croissante d’implication des hommes dans la contraception. La vasectomie peut y répondre, mais seulement partiellement.

Vasectomie

La vasectomie est une intervention chirurgicale simple qui peut être réalisée en 1/4 d’heure sous anesthésie locale.

Largement diffusée depuis les années 70 dans plusieurs pays, elle est restée très marginale en France où elle n’a été légalisée qu’en 2001. En 2010, elle n’était utilisée que par 1% de la population alors qu’1/3 des hommes de plus de 50 ans y ont eu recours au Québec.

La France accuse un retard certain sur tous les plans. Le nombre d’interventions a été multiplié par 11 en 11 ans entre 2010 et 2021 et tout laisse penser qu’elle va se poursuivre. Il est urgent de prendre les mesures nécessaires pour répondre à l’augmentation exponentielle de la demande.

Formation

Le premier obstacle pour accéder à la vasectomie est le défaut d’information. Les médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes doivent être formé*s pour savoir proposer cette méthode, informer et orienter correctement les hommes et leurs partenaires.

Les urologues ont besoin d’être formés pour maîtriser les techniques les moins invasives qui diminuent le risque déjà faible de complication. L’AFU poursuit son action en ce sens. Il serait néanmoins très utile d’organiser la spécialisation de quelques urologues : une pratique régulière permet d’obtenir de meilleurs résultats. Cela permettrait aussi de mieux répondre à la demande d’hommes jeunes ou sans enfants qui ont davantage de difficultés à trouver un urologue acceptant de pratiquer l’intervention.

Prise en charge

Mais cette chirurgie est actuellement déficitaire car très mal prise en charge par la sécurité sociale. Ni les établissements de santé ni les urologues n’ont intérêt à répondre à cette demande. Il est donc difficile d’accéder au bloc opératoire, ce qui allonge l’attente des candidats pour obtenir l’intervention, alors que la loi impose déjà un délai de réflexion inutilement long de 4 mois.

Mode d’anesthésie

Ces problèmes de formation et de prise en charge expliquent un recours inutile à l’anesthésie générale plutôt que locale alors qu’elle n’a que rarement de justification sur le plan médical.

Salles blanches et centres spécialisés

La vasectomie est une intervention simple qui ne nécessite ni anesthésie générale, ni bloc opératoire. Une salle blanche est suffisante. La mise en place de centres spécialisés inspirés du Québec ou de l’Espagne permettrait de mieux répondre à la demande tout en réduisant les coûts, plutôt que de mettre la vasectomie en concurrence avec d’autres interventions.

Regrets

Le risque de regret après une vasectomie existe. Mais il doit être mis en perspective avec celui qui existe aussi quand on choisit d’accueillir un enfant, que la grossesse ait été désirée ou qu’elle soit imprévue. La possibilité de procréer après une vasectomie n’est pas garantie, mais n’est-il pas bien plus lourd de conséquences de ne plus vouloir assumer une parentalité ? Seuls 5% des personnes ayant eu recours à la vasectomie souhaitent finalement un jour procréer, et on arrive à déclencher une grossesse dans au moins la moitié des cas, et plus si les gestes opératoires sont bien maîtrisés. En comparaison, plus des 10% des parents regretteraient d’avoir procréé. Mais il est nécessaire de proposer des méthodes réversibles efficaces pour que ceux qui envisagent de procréer un jour puissent maîtriser leur fertilité.

Méthodes réversibles

Expérimentales mais fonctionnelles et disponibles

Bien qu’encore au stade expérimental deux méthodes sont fonctionnelles et peuvent déjà être utilisées. Elles permettent de bloquer efficacement la production de spermatozoïdes.

Méthode hormonale

Une méthode hormonale reconnue par l’OMS est prescrite marginalement en France, et notamment au CHU de Toulouse. Elle est très imparfaite mais permet déjà de constater qu’une demande existe et que le rapport bénéfices/risques est acceptable par les utilisateurs. Il nous semble utile de la proposer dès maintenant plutôt que d’attendre de meilleures méthodes qui ne seront pas disponibles avant plusieurs années. Aujourd’hui, les difficultés sont davantage d’ordre économique et réglementaire plutôt que médicales. L’industrie pharmaceutique a pour le moment peu d’intérêts à investir dans le développement de ces méthodes.

Méthode thermique

La méthode thermique est née à Toulouse au début des années 80. Elle consiste à remonter les testicules pour augmenter leur température, tous les jours, du matin au soir. Plusieurs dispositifs existent mais les démarches pour obtenir la certification sont longues et coûteuses. Ils sont donc utilisés en dehors d’un cadre réglementaire. Des ateliers existent pour aider les utilisateurs à les fabriquer par eux-mêmes. L’accès au dispositif est sans doute l’obstacle le plus facile à contourner. En revanche, les moyens sont très insuffisants pour accompagner correctement les utilisateurs et leurs partenaires. Il est important d’appliquer correctement le protocole, de connaître les contre-indications, de cerner les risques éventuels.

Spermogrammes

Des spermogrammes réguliers doivent permettre de vérifier l’efficacité du protocole mis en œuvre. Malheureusement, il est souvent très difficile de les réaliser aussi fréquemment que nécessaire. Peu de laboratoires d’analyses disposent de cette compétence. Les distances que doivent parcourir les utilisateurs ou les délais d’obtention de rendez-vous sont parfois incompatibles avec le respect du protocole. Il est essentiel de résoudre ce problème.

Perspectives

Enjeu de société

Les difficultés ne portent pas vraiment sur les méthodes qui montrent déjà leur efficacité et leur acceptabilité. Nos efforts doivent aujourd’hui viser en priorité à faire émerger une volonté politique. L’organisation des systèmes de santé, la formation des professionnel*s concerné*s, l’action des associations, la recherche doivent être financées. La réglementation doit également évoluer. Les mesures les plus récentes prises par le gouvernement ont principalement pour effet de continuer à faire peser la charge de la contraception sur les femmes. En parallèle, les difficultés d’accès à l’avortement persistent. Les mouvements qui s’opposent à ce droit fondamental redoublent d’efforts pour le fragiliser et sa constitutionnaliser souffrent d’annonces qui ne sont pas traduites en actes.

Rentabilité

Si la diffusion de ces méthodes représente un certain coût, cela permet d’en épargner beaucoup d’autres. Elles s’avèrent bien plus économiques que les méthodes proposées aux femmes et peuvent permettre également d’éviter le recours à un grand nombre d’IVG. Elles permettent des actions d’éducation bien au-delà des questions de contraception. L’impact  peut être très important sur les questions d’égalité, ce qui améliorerait significativement le bien-être de la population.

Mobilisation

Les femmes se sont battues pour obtenir le droit à la contraception et à l’avortement. Elles continuent de s’organiser et de se mobiliser pour les préserver, les rendre effectifs, les étendre. À l’évidence, la communauté des hommes, elle, ne se montre toujours pas à la hauteur des enjeux : elle ne se soucie toujours que très peu de maîtriser elle-même sa propre fertilité. L’histoire nous montre que les institutions ne seront pas motrices. Elles se contenteront de s’adapter si la société civile se mobilise et les y oblige. Nous sommes réuni*s ici pour nous saisir de ce sujet, pour nous rencontrer, pour décider de nous mobiliser, de nous organiser. Isolé*s, nous nous découragerons. Ensemble, nous avancerons.

 

Laissez vos coordonnées sur le site garcon.link pour être informé*s des prochains événements et nous dire si vous voulez nous aider à les organiser.