L’Organisation Mondiale de la Santé valide une méthode de contraception hormonale masculine très efficace mais très peu prescrite. Certes elle peut provoquer d’éventuels effets secondaires, mais ils sont assez semblables à ceux de la pilule. Certes son utilisation est limitée à 18 mois, mais la seule raison en est que des études plus longues n’ont pas été menées. Pourquoi cette méthode est-elle si peu répandue, et notamment en France où il est facile d’accéder à des produits pharmaceutiques, et où la contraception des femmes repose déjà en grande partie sur des méthodes hormonales ?
- Serait-elle trop risquée ?
- Serait-elle inefficace ?
- Serait-elle trop contraignante ?
- Engendrerait-elle trop d’effets secondaires ?
- Rendrait-elle stérile ?
- Conclusion
Serait-elle trop risquée ?
Le traitement utilisé est l’énanthate de testostérone en solution injectable huileuse à la dose de 200 mg injectés en intramusculaire profonde une fois par semaine.
Un taux élevé de testostérone dans le sang est pour l’hypothalamus le signe d’une production élevée de spermatozoïdes. Celui-ci commande alors la diminution de leur production. En maintenant un niveau élevé d’un dérivé de testostérone, on induit en permanence l’arrêt de la production de spermatozoïdes.
Un document de l’OMS indique ceci :
« Il y a plus de 30 ans que l’énanthate de testostérone est commercialisé dans le monde entier. Il a été employé dans un but thérapeutique, souvent pendant des dizaines d’années, chez des milliers d’hommes hypogonadiques, en général à la dose de 250/220 mg tous les 10 à 14 jours. Aucun auteur n’a signalé que cette substance était toxique dans ces schémas thérapeutiques. »
En l’absence d’étude menée à long terme sur l’emploi de cette substance à des fins contraceptives, l’OMS limite par précaution l’emploi de cette méthode contraceptive à une durée de 18 mois, mais aucune observation n’indique qu’une utilisation plus longue serait risquée.
Ce document indique encore :
« Rien n’indique que ce traitement entraîne une hyperplasie prostatique, et quoi qu’il en soit, les hommes inclus dans cette étude appartiennent tous à une tranche d’âge (25–45 ans) dans laquelle il n’y a guère de chance de rencontrer un dysfonctionnement prostatique. Aucun rapport ne fait état d’une toxicité grave et notamment de signes d’affection hépatique, lorsqu’on applique ce schéma reposant sur l’énanthate de testostérone à des hommes normaux. »
Serait-elle inefficace ?
La méthode hormonale ne devient efficace que trois mois après le début du traitement. Environ quatre hommes sur cinq y sont suffisamment sensibles. Le cinquième produit encore trop de spermatozoïdes et il est nécessaire d’envisager une autre méthode. De la même manière, il arrive que certaines femmes tombent enceintes malgré une utilisation correcte de la pilule. La grande différence réside dans le fait que les hommes peuvent facilement vérifier l’efficacité de la méthode en effectuant un spermogramme.
Serait-elle trop contraignante ?
Toutes les méthodes de contraception consistent à créer une contrainte sur le corps pour éviter le phénomène spontané de la procréation. Pour le moment, ces contraintes reposent essentiellement sur les femmes qui veulent s’épargner celles bien plus grandes d’une grossesse non désirée. Puisque les plaisirs sexuels sont – ou devraient être – partagés, les contraintes engendrées devraient l’être également. Cela améliorerait les relations entre les femmes et les hommes. Dans ce cadre, il est intéressant de considérer les contraintes imposées par une méthode de contraception masculine à son équivalent féminin.
Outre les risques et effets secondaires éventuels, l’une des difficultés que peuvent rencontrer les femmes qui prennent la pilule est l’oubli. Fréquent, il est à l’origine de plus d’une grossesse non désirée sur cinq. Si on peut légitimement considérer que l’injection intramusculaire profonde est plus contraignante qu’une pilule qu’il suffit d’avaler, on doit garder en tête qu’elle est hebdomadaire, alors que la prise d’une pilule doit se faire quotidiennement. Les témoignages des utilisatrices montrent que c’est loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît. D’autres dérivés de testostérone permettent apparemment d’espacer davantage les injections, jusqu’à six semaines, mais ils ne sont pas utilisés en France, l’OMS n’ayant pas validé leur utilisation.
Trois mois de délai pour obtenir l’effet contraceptif souhaité peut être perçu comme une contrainte importante. Comme les risques liés aux infections sexuellement transmissibles imposent de toute façon l’usage de préservatif lors de rapports sexuels ponctuels, cette méthode de contraception s’utilise dans le cadre de relations stables. Pour mémoire, le dépistage du VIH ne nous renseigne que sur des risques pris au moins 6 semaines auparavant. Lors d’une pénétration, un homme risque davantage de contaminer sa partenaire que le contraire, tout comme c’est la femme qui porte un embryon en cas d’échec de la contraception. Les hommes devraient se sentir d’autant plus responsables de prendre les précautions nécessaires, sans que cela n’empêche les femmes d’en prendre également. Il s’agit de coopérer pour partager les contraintes et les responsabilités.
La méthode hormonale impose de fumer peu et de consommer peu d’alcool. De la même manière, cette contrainte pèse aujourd’hui sur les femmes et celles qui ne la respectent pas s’exposent à des risques dont elles n’ont pas toujours conscience, étant trop peu informées à ce sujet, alors même que l’utilisation de la pilule exige une prescription médicale.
Remarquons aussi que dès qu’on aborde le sujet de la contraception masculine, les craintes s’expriment fortement quand à la préservation de la fertilité et des érections. Les méfaits du tabac et de l’alcool sont avérés et n’empêchent pas leur usage, et à l’inverse les craintes infondées sur la contraception masculine sont difficiles à dissiper.
Engendrerait-elle trop d’effets secondaires ?
Un document de l’OMS indique :
« L’énanthate de testostérone à la dose hebdomadaire de 200 mg en intramusculaire a été administré par différents auteurs lors de nombreuses études antérieures portant sur l’homme normal. Toutes ces études ont fourni une masse importante de données quant aux analyses de sperme, aux taux et aux profils hormonaux sériques et aux effets secondaires. Les effets secondaires qui paraissent assez bien établis sont les suivants : tendance modérée à prendre du poids (2 kg en moyenne), légère augmentation de l’hématocrite (2 %) et survenue de temps à autre d’acné ou d’une gynécomastie décelable. Ces réactions ont rarement conduit les sujets à interrompre le protocole d’expérience. »
Le Dr J.-C. Soufir qui prescrit la contraception hormonale masculine depuis quelques décennies rapporte que :
Dans les conditions définies ci-dessus, les effets sont bénins. Plus précisément, dans un groupe de 157 hommes traités, on a décidé d’arrêter le traitement chez 25 des hommes (16 %) pour les raisons suivantes : acné (n= 9), agressivité, libido excessive (n= 3), prise de poids (n= 2), modification des lipides (n=2) ou de l’hématocrite (n= 2), hypertension (n= 1), dépression (n= 1), asthénie (n= 1), aphtose (n= 1), prostatite aiguë (n= 1), pneumonie (n=1) et syndrome de Gilbert (n= 1).
Rendrait-elle stérile ?
La production des spermatozoïdes reprend progressivement dès l’arrêt du traitement pour retrouver ses caractéristiques habituelles en trois à six mois. Une grossesse peut toutefois intervenir presque immédiatement, même si elle est moins probable.
On croit parfois que la pilule rend stérile ou au moins diminue la fertilité car nos cours de biologie nous laissent penser qu’une grossesse serait déclenchée à chaque cycle à cause d’un unique rapport sexuel. Cette représentation est erronée. La fertilité dépend de nombreux facteurs : l’âge, l’état de santé, la compatibilité des partenaires, la fréquence des rapports sexuels. L’âge de la mère au premier enfant est actuellement de 28,5 ans, ce qui rend nécessairement plus difficile de déclencher une grossesse. La fertilité des hommes diminue elle aussi, et ce ne peut être à cause d’une contraception hormonale qui n’est pour le moment pas utilisée : alors qu’ils n’utilisent pour le moment que le préservatif, leur production de spermatozoïdes diminue depuis quelques décennies dans tous les pays industrialisés pour des raisons encore mal connues.
Conclusion
La contraception hormonale convient à beaucoup de femmes pour qui elle améliore la qualité de vie, pendant que d’autres peuvent rencontrer des difficultés. Il est important que celles à qui elle convient puissent y avoir accès. Rien ne justifie que seules les femmes puissent utiliser ce type de contraception. Elles se sont battues pour y avoir droit. Les hommes doivent s’organiser s’ils souhaitent eux aussi pouvoir en disposer.