Efficacité

Les données statistiques concernant l’efficacité d’une méthode contraceptive en utilisation courante sont généralement assez imprécises. La méthode thermique étant toujours au stade expérimental, il est d’autant plus difficile d’annoncer des valeurs fiables. Avec l’augmentation rapide du nombre d’utilisateurs, quelques échecs ont été constatés. Ils s’expliquent d’abord par le manque d’accompagnement des utilisateurs qui méconnaissent le protocole et choisissent de l’assouplir en évaluant mal les risques associés.

Même s’il n’existe toujours pas d’outil permettant de recueillir des données statistiques fiables sur l’efficacité de la méthode, nous disposons de quelques informations utiles pour qu’elle puisse être utilisée efficacement.

Concentration résiduelle et fréquence des survenues de grossesse

Dans une étude menée en 2009, 723 hommes en relation stable avec une partenaire âgée de 18 à 38 ans ont utilisé une méthode hormonale qui leur a permis d’avoir une concentration inférieure à 1Mspz/mL pendant 24 mois vérifiée par un spermogramme tous les 3 mois. 3 grossesses sont quand même survenues. Pour constituer l’échantillon, ont été exclus les 10 participants pour lesquels le traitement hormonal correctement appliqué n’avait pas permis de maintenir une concentration inférieure à 1Mspz/mL – on parle dans cette étude d’effet rebond – et qui ont engendré 6 grossesses supplémentaires.
Multicenter Contraceptive Efficacy Trial of Injectable Testosterone Undecanoate in Chinese Menhttps://academic.oup.com/jcem/article/94/6/1910/2596558

Dans cette étude, on a eu l’équivalent d’une grossesse pour 241 couples sur 2 ans d’utilisation soit un taux d’échec de 0,2% par année d’utilisation. Cependant, dans une étude précédente dont les résultats ont été publiés en 1996, on a observé 2 grossesses pour des concentrations comprises entre 0,1 et 1Mspz/mL pour seulement 39,1 personnes-années d’exposition. Un rapide calcul aboutit à une valeur de 5,1% d’échecs par année d’utilisation mais l’incertitude sur ce pourcentage est énorme : il est plus juste d’indiquer qu’il vaut entre 0,6% et 18,5% pour un intervalle de confiance de 95%. Le nombre de participants (399) et les durées d’exposition plus faibles (maximum 12 mois) aboutissent à des résultats moins solides que ceux de l’autre étude. Le dérivé de testostérone utilisé et la fréquence des injections diffèrent entre les deux études. Cela pourrait aussi expliquer en partie les écarts constatés mais il ne s’agit que d’une hypothèse.
Contraceptive efficacy of testosterone-induced azoospermia and oligozoospermia in normal men – Table 2 page 5https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0015028216582211

Selon cette deuxième étude, on observe (Table 2 page 5) que le nombre d’échecs semble augmenter très rapidement avec la concentration. Il est nécessaire de considérer la concentration résiduelle pour évaluer le risque d’échec. D’ailleurs; ces études ne prennent en compte que la concentration alors que le nombre total de spermatozoïdes motiles par éjaculat est sans doute un meilleur indicateur. Il convient donc d’être plus prudent si l’utilisateur obtient une concentration supérieure à 0,1Mspz/mL et ce d’autant plus si le volume de l’éjaculat est important : des volumes d’éjaculats systématiquement compris entre 10 et 14mL ont déjà été observés chez un utilisateur. La méthode thermique a tendance à réduire la part de spermatozoïdes motiles qui sont les seuls à pouvoir atteindre l’ovocyte pour le féconder. Si ce pourcentage est pris en considération, il est important de garder à l’esprit que la valeur de référence d’une fertilité normale n’est pas 100% mais supérieure à 32%, la valeur médiane étant de 55%.

Notion de seuil contraceptif

Peut-être serons nous un jour en mesure d’affirmer qu’en dessous du seuil contraceptif à 1Mspz/mL, le risque de grossesse devient comparable à celui obtenu avec les méthodes réversibles les plus efficaces actuellement disponibles (implant et DIU). L’étude de 2009 le laisse penser. Mais la notion même de seuil contraceptif est peut-être problématique, d’autant plus pour la méthode thermique, et pour plusieurs raisons. Elle peut laisser croire qu’en dessous d’une certaine concentration, toute fécondation serait impossible. Si nous continuons à l’utiliser, nous devons la définir très clairement comme la concentration qui permet d’obtenir une efficacité supérieure à 99%. Il faudrait alors a minima veiller à ce qu’elle soit effectivement présentée de cette manière. Si une oligozoospermie sévère permet de réduire considérablement le risque de grossesse jusqu’à des niveaux très acceptables, l’atteinte de l’azoospermie offre vraisemblablement des résultats encore meilleurs et peut constituer un objectif souhaité par certains utilisateurs ou par leurs partenaires. Néanmoins, pour éviter d’augmenter le risque d’effets indésirables, il semble préférable de travailler à un meilleur maintien, par exemple en utilisant un jockstrap plutôt qu’un anneau en silicone, plutôt qu’en allongeant les durées quotidiennes de remontée testiculaire.

Difficultés spécifiques à la méthode thermique

Les études citées plus haut concernent toutes deux des méthodes hormonales basées sur des injections régulières d’un dérivé de testostérone. Dans ce contexte, il était très facile de s’assurer que le protocole était respecté. En revanche, pour la méthode thermique, l’observance est très dépendante de l’utilisateur et si la consigne est simple, de nombreux paramètres interviennent pour estimer dans quelle mesure elle est effectivement appliquée. Or, tout comme les oublis de pilule, les écarts au protocole peuvent réduire considérablement l’efficacité de la méthode mais ils sont encore plus difficiles à évaluer même par l’utilisateur lui-même.

  • Le maintien et donc la température testiculaire peuvent dépendre des dispositifs utilisés, or certains utilisateurs combinent anneaux de tailles différentes, ou jockstrap et anneau.
  • Il est trop contraignant de relever quotidiennement avec une relative précision la durée quotidienne de remontée testiculaire, d’indiquer l’état de veille ou de sommeil ou encore le dispositif utilisé. Cette tâche se complique encore si on veut tenir compte des oublis de remise en place du dispositif après la miction ou des descentes testiculaires involontaires et inaperçues. Les biais déclaratifs sont d’autant plus marqués. Et si toutes ces informations pourraient être intéressantes dans le cadre d’une recherche clinique, un tel relevé n’est pas envisageable en pratique courante. Retenons alors simplement que la concentration résiduelle en spermatozoïdes fluctue probablement davantage pour la méthode thermique que pour les méthodes hormonales.
  • On constate déjà que de nombreux utilisateurs, n‘ayant pas conscience de tous ces éléments, assouplissent le protocole en diminuant volontairement la durée quotidienne de remontée testiculaire, qu’une part importante d’entre eux choisissent de la pratiquer pendant les heures de sommeil plutôt que les heures d’éveil, qu’ils ne réalisent pas ou trop de spermogrammes de contrôle. La réponse physiologique n’étant pas immédiate, il peut être difficile voire impossible de déterminer l’impact de ces écarts au protocole.

Ces difficultés ne doivent pas nous faire oublier les résultats encourageants constatés sur un échantillon de 970 utilisateurs. Sur une durée moyenne de 14 mois, seules six grossesses ont été déclarées, toutes pendant la phase d’inhibition lorsque la concentration était vraisemblablement supérieure à 1Mspz/mL même si cela n’a pas été vérifié par un spermogramme. On observe sur cet échantillon qu’un effondrement de la spermatogenèse sous le seuil contraceptif peut être atteint malgré ces écarts et que l’indication du seuil à 1Mspz/mL a permis d’éviter les grossesses. Ces résultats doivent être pris avec prudence : ils ne sont étayés que par la thèse soutenue en 2023 par Manon Guidarelli qui comporte de nombreux biais, et notamment les biais de recrutement et les biais déclaratifs. Sur un effectif plus important, des durées d’utilisations plus longues, et avec un suivi systématique des utilisateurs et de leur partenaire, on peut s’attendre à constater la survenue de grossesses.
Enquête transversale sur les dispositifs de contraception par remontée testiculaire : sécurité,
acceptabilité, efficacitéhttps://garcon.link/wp-content/uploads/2023/09/2023-Guidarelli-acceptabilite-CMT.pdf

Concentration résiduelle : limites des spermogrammes de contrôle

Les limites des spermogrammes de contrôle sont liées d’une part à l’exactitude des résultats fournis, et d’autre part à la méthode d’échantillonnage utilisée pour évaluer la fertilité.

Exactitude des résultats

Les spermogrammes sont habituellement réalisés pour étudier la fertilité d’un homme qui rencontre des difficultés pour procréer, ou pour vérifier le succès d’une vasectomie. Dans ces deux cas de figure, il n’est pas nécessaire de connaître avec précision la concentration et la motilité. Les systèmes automatisés ne sont apparemment pas calibrés pour donner des valeurs exactes à des concentrations très faibles. Avec la méthode manuelle, il est important que le ou la biologiste qui effectue le spermogramme soit informé préalablement qu’il s’agit d’un spermogramme de contrôle dans une démarche de contraception. Il est nécessaire qu’il soit en mesure de s’adapter à cette situation.

Échantillonage

Les variations intra-individuelles de la concentration de spermatozoïdes sont très importantes. La réalisation pendant plus de 2 ans de spermogrammes hebdomadaires a montré que la même personne pouvait présenter des concentrations allant de plus de 170Mspz/mL à des valeurs parfois inférieures à 10M, et passant même de 30M à presque 120M d’une semaine à l’autre.

https://sjbm.fr/images/cahiers/2009-Bioforma-42-Exploration%20de%20la%20fonction%20de%20reproduction,%20versant%20masculin.pdf#page=43

La spermatogenèse s’étale sur trois mois. La réponse physiologique à une perturbation n’est pas immédiate. En effet, de nombreux facteurs influencent la composition d’un éjaculat. On peut citer tabac, alcool, cannabis, alimentation, stress, sommeil, sédentarité, exposition à une source de chaleur, fièvre, lumière bleue, perturbateurs endocriniens. Le nombre de jours écoulés depuis l’éjaculation précédente a aussi un impact. À tout cela s’ajoute, dans le cadre de la méthode thermique, la régularité de la pratique. Dans ces conditions, il convient d’être très prudent sur le crédit qu’on accorde aux spermogrammes de contrôle : chacun ne renseigne que sur la composition d’un seul éjaculat. Il peut être utile d’établir une mise en perspective avec les tests de dépistages d’IST : ils ne donnent des informations sur l’état sérologique d’un partenaire qu’avec un temps de retard et ne nous renseignent en rien ni, sur la date de sa dernière prise de risque, ni de la prochaine.

Manon Guidarelli rapporte dans sa thèse que parmi les 694 participants ayant réalisé plusieurs spermogrammes, 36 (5,7%) ont constaté sur un ou plusieurs spermogrammes un dépassement du seuil contraceptif qui avait été atteint précédemment. Les oublis certes peu fréquents (91,7% moins d’une fois par mois) et le temps de port quotidien inférieur au reste de l’échantillon (50% vs 27,6% le portaient entre 13 heures et 15 heures par jour) ne semblent pas suffire à expliquer ce phénomène en totalité.

Enquête transversale sur les dispositifs de contraception par remontée testiculaire : sécurité, acceptabilité, efficacité. – p56

https://garcon.link/wp-content/uploads/2023/09/2023-Guidarelli-acceptabilite-CMT.pdf

Plus la concentration résiduelle en spermatozoïdes est importante, plus il semble judicieux de réaliser fréquemment des spermogrammes de contrôle, et plus il est nécessaire d’envisager une ou plusieurs méthodes contraceptives complémentaires (observation du cycle, préservatif, retrait, diaphragme…). Il semble également important de recommander de ne pas diminuer la durée quotidienne de remontée testiculaire si cela empêche d’atteindre l’azoospermie.

Conclusion

L’évaluation du rapport bénéfices/risques est très subjective. Elle appartient en totalité à chaque utilisateur et à chaque partenaire. Cette évaluation doit lui permettre de se positionner sur la base des informations les plus fiables, complètes et objectives qui puissent être offertes.

Quelques spermogrammes de contrôle montrant des concentrations légèrement inférieures à 1Mspz/mL ne suffisent probablement pas à garantir que la méthode est très efficace. Il est sans doute préférable d’indiquer aux utilisateurs et à leurs partenaires que plus la concentration est basse, meilleure est l’efficacité, qu’elle reste probablement très bonne si elle reste inférieure à 1Mspz/mL mais qu’il est difficile d’avoir la certitude de ne jamais dépasser ce seuil, et que les quelques spermogrammes de contrôle sont à envisager comme des indications imprécises du fait de la faible fréquence d’échantillonnage.

Plus la durée d’utilisation de la méthode augmente, plus les partenaires ont tendance à avoir confiance en la méthode. Cela peut diminuer le niveau de vigilance quant au respect du protocole. Une autre conséquence est qu’il peut être plus difficile pour la partenaire de reconnaître les signes d’une grossesse. Le retard engendré peut rendre plus anxiogène la prise de décision de poursuivre ou d’interrompre la grossesse, qui de plus doit être considérée comme à risque étant donné le manque de recul dont on dispose pour le moment. Il peut donc être très utile que la partenaire envisage de réaliser un test de grossesse à chaque cycle. Il est possible de s’en procurer pour un prix insignifiant (moins de 0,40€ l’unité – https://www.ovulatest.com/tests-de-grossesse/). Réaliser ces tests permet de garder en tête l’éventualité d’une grossesse non désirée, de maintenir la vigilance sur le respect du protocole et notamment la réalisation effective des spermogrammes de contrôle, de reconsidérer régulièrement la pertinence de compter uniquement cette méthode.